Le Petit Carré Ciré

Le Petit Carré Ciré

Je revins à la maison ignorant le temps de mon absence, mon estomac se rappela à moi et je laissai se tarir  la tension des émotions accumulées.

Je m'assis de biais, sur le perron, c'était sa position, face au soleil, avec entre ses genoux ses gros doigts sur lesquels la terre avait déteint.

Un seul faux pas avait suffi, un carré de bois mieux frotté que les autres, une tache de savon, ses mains qu'elle avait lavées laissant tomber sur le bois une goutte opaque, les journaux qu'elle avait feuilletés l'encre imprimant ses doigts, les nouvelles, les trucs et astuces pour le jardin, les morts de la région reposant sur d' immenses tristesses,  la météo, le jardin en allant chercher le courrier.

Le petit lavabo, puis le petit carré en bas de l'escalier qu'elle avait taché de savon puis reciré. Le rayon de soleil écartant une branche puis traversant le hall pour venir caresser sa joue et la faire trébucher.

Son regard s'était éteint au pied de cette ultime marche. 

Elle avait fini son jardin, il était près à vivre une nouvelle saison.

Ses plantations avaient essaimé jusqu'aux jardins et champs environnant, je voyais les têtes rouges des coquelicots et son saule qui fabriquerait un fil des années sa petite forêt.

Elle m'avait montré les trésors d'architecture,

  Ensemble nous écoutions chanter les fleurs.

Là haut, dans les nuages pleins comme des éponges, je la vis penchée. Son amoureux la suivait étirant ses bras tordus pour attraper les siens.

Du dernier livre qu'elle avait lu, sortait un marque page, page 336 .

Fin du chapître 8. Caché dans mon cœur en forme de coquillage, je l'ouvrais les jours triste, relisait ce chapître et la voyais respirant dans ces pages, avant d'éteindre sa lampe champignon.

Un courant d'air,

le vase rempli d'immortelles se coucha sur  le livre, posé sur la table, ouvert comme les ailes d' un oiseau.  Le vase allongé se balançait et les têtes des fleurs grataient les deux premières pages du chapître 7