Sous le niveau

Sous le niveau

Je n'étais jamais très en avance, c'était calculé, les gares m'impressionnaient, mais passé le temps de l'observation je me sentais devenir un objet perdu. L'écran de la stupeur qui me gagnait devenait alors trop vaste.

Je marchais comme une habituée dans les couloirs du métro, pourtant ce temps était exceptionnel : je n'allais pas d'un point à un autre, je partais.

Au dessous du niveau de la Terre, nous étions une odeur unique, chacun avait un rôle, une tâche, et pourtant quelque chose nous réunissait. Aller, marcher, adapter son enjambée, adopter le même pas, ne pas gêner ou se toucher. L'espace de l'air comme frôlement.

Une femme telle une reine osait un pas plus chaloupé, je lui ajoutais une traîne pour la monté des marches.

Les bruits semblaient ceux de manèges intemporels, crissement, sifflement, voix prononcée par un tuyau. La grosse chenille de ferraille, au toit foncé comme une capuche, fonçait versd'une bouche fantasque et inquiétante. Nous chevauchions le dragon écaillé et dans les virages nous nous pressions quelque peu.

Peuple de nacre, pour changer tes reflets je changeais les ampoules grises pour du rouge, du orange, du violet et faisais clignoter le tout.

La grosse bête déraillant cassait ses chaînes et nous roulions jusqu'aux champs sur des voies inachevées.

Il faudrait bien s'y faire, ce serait chez nous dorénavant. Et nous serions contraints de faire une famille.

Je ne savais jamais comment se déroulerait l'immersion...

Le tourniquet me libérait, j'arrivais à l'air libre gonflée d'euphorie.

Le ciel et ses nuages de sucre, juste un instant avant de monter jusqu'au quai.