Quelques gouttes
Une petite lumière luisait entre les feuilles. Les nuages et les arbres avaient été généreux. Il se préparait à une soirée de palabre suivie d' une nuit de veille. D'autres comme lui étaient prêts à partir en mission.
Agile, il sortait de son refuge avec sa lanterne faite de pétales entourant une nervure incandescente.
La nature avait bien travaillé. La pluie avait dégringolé, s'enrichissant à chaque branche caressée, jusqu'à se poser en une goutte qui se nourissait de la sève exsudée. Car chaque goutte choisissait une branche accueillante et sûre, c'était ainsi, imparable. La fine écorce formait un creux où la goutte maturait.
Mais cela ne suffisait pas, les autres étaient indispensables, habitants de l'arbre, des sols et fougères, ceux là avec leur petite lanterne fibreuse et translucide.
IIs avançaient, sautant et glissant de branche en branche puis se postaient à côté d'une goutte. Ils vérifiaient que leur lanterne était protégée du vent, et se mettaient à anonner.
Les sons sortis de toutes ces bouches de tous ces êtres veillant les gouttes, montaient, descendaient, se croisaient, formant des chemins onduleux qui parfois fusionnaient.. L'arbre semblait alors respirer, il aurait fallu capter l'imperceptible pour le savoir, peut être certains le savaient vraiment.
Les gouttes lentement changeaient de forme , nourries de l'intérieur et de ses sons enveloppants, elles s'épanouissaient comme des prunes opaques.
Puis, peu à peu, leur peau devenait transparentes et on pouvait alors distinguer en leur centre un petit être endormi.
Les oiseaux de toute taille et forme arrivaient alors et entourant la goutte de leurs ailes tombantes, ils la détachaient délicatement du bec pour l'emporter jusqu'à leur nid.
Là, dans un lit de plume, la goutte peu à peu libérait l'être blotti en son coeur.
Ainsi se peuplait l'arbre monde, et toute la forêt alentour.
Ainsi, derrière les feuilles vivaient d'autres vies minuscules et indispensables.