Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
des traces de pas...sur les nuages
11 juin 2014

Ticket gagnant

Ticket gagnant

 

Pour lutter contre la solitude et un sentiment d'inutilité, il m'avait été conseillé de faire du bénévolat,   je m'étais un temps mis au service d'un organisme de vente de vêtements mais ne parvins pas plus à échanger et lier des amitiés, qu'à plier ou ranger.

Je crois que chacun ou plutôt chacune étions déjà passées à l'essoreuse des épreuves.

 Ma vie déconstruite jour après jour, j'étais responsable de mes ruines.

Le malheur nous enveloppait comme la brume des fers à repasser, il nous tenait presque chaud. Nous formions le décor pour les bonnes consciences, un rempart rassurant pour les acheteurs.

Je me souviens de chacun de nous, couleur de vêtement, odeur  corporelle, et de ceux de passage, à l'âme poreuses à force de servir de passoire à substances.

 

 

La mission la plus dangereuse (pour mon équilibre) fut celle des tickets de tombola.

Nous devions les vendre sur un bout de trottoir en hélant les passants ou en faisant tinter une sonnette de vélo.

J'avais songé un temps à les acheter tous et ne plus quêter les regards qui évitaient le mien. Mais avec quel argent ?

J'optais finalement pour le porte à porte et commençait par un immeuble accessible à quelques rues du mien.

Derrière la lourde porte vert bouteille, une échelle de noms éclairés chacun par une petite ampoule faisait face aux boîtes eux lettres.

Je promenais mon doigt en fermant les yeux.

Victor L., c'est chez lui que je sonnai en premier.

Il portait une casquette bleu et m'invitait à entrer, son chat faisait des huit autour de ses vieilles jambes, et son chien finissait son assiette assis sur une chaise.

Il m'invita à entrer, me parla de sa femme, me montra le médaillon,

P1070135

 

 les fleurs du balcon qui fleurissaient chaque année à l'anniversaire de sa mort et du carnaval.

Le carnaval.

Il y avait un je ne sais quoi de connivence, je crus comprendre qu'il sortait désormais peu lui aussi.

Il me prit un billet, m'indiqua chez qui sonner, pourquoi et dans quelle rue.

En une semaine, j'avais vendu la moitié de mes billets.

Je refusai ceux des autres, trop éprouvant, mais repassai voir Victor qui me donnait d'autres numéros et nom de rues.

En deux semaines, nous avions tout vendu.

La semaine suivante Victor mourut.

Je fis des pieds et des mains pour retrouver le ticket signé de sa main, mais cette urne là aussi était scellée.

Il n'eut pas le premier lot, mais celui tiré par une main innocente qui donnait droit à une année de fleurs. Choisir leur destinataire fut chose aisée, un bouquet par ticket vendu.

Je repassais chez lui quelques jours après le tirage déposer le premier bouquet à cette femme rousse du premier.

Au rez de chaussée, les fleurs de Victor regardaient le trottoir.

P1070029

En soulevant le bac, j'entendis un petit bruit, une petite clef, de la taille de l'ongle de son pouce, rebondit attrapant le soleil.

Je déposai le bac dans un sac de courses et mis la clef dans ma poche..

Les fleurs reprirent bientôt vie sur le rebord de ma fenêtre. La clef à mon poignet se balançait sans bruit.

Au local, des femmes et hommes de couleur venaient chercher des vêtements aussi de couleur qu'ils bricoleraient pour en faire des parures. Le carnaval s'annonçait.

Je décidai, un matin tôt d'emprunter les rues du parcours, pour me sécuriser et juste être capable d'être là.

Je marchai sur les trottoirs déserts, regardai les balcons, les portes et les vitrines au repos.

Le passage irrégulier des voitures sur le boulevard me tenait en alerte.

Je le vis par hasard, attirée par la couleur de la devanture d'un oiseleur ,

le petit tabouret enchaîné.

P1050397

Son promontoire.

Je m'assis. fermai les yeux, puis sa voix traversa les limbes, et je vis son carnaval..

P1050367

P1050376

P1050346

P1050385

 

 

 

 

 

 

 

 

Publicité
Commentaires
des traces de pas...sur les nuages
Publicité
Archives
Publicité