Asolitude
Asolitude
Le chemin du retour formait un gigantesque S qui partant de la gare entrait dans la ville pour longer le littoral et s'étirer tel un bras sur les terres ombragées et humides.
Les derniers kilomètres me ravissaient. Dans ces arches et passages j'oubliais le temps.
La lumière se frayait un passage et chaque pas ouvrait sur un paysage inédit, étagé et fouillis.
Ils pourraient m'étreindre de leurs branches, me humer et serrer, puis me dévorer, ainsi je deviendrais arbre à mon tour.
Je ne serais plus jamais seul.
L'étais-je vraiment ?
Je retrouvai la bâtisse, dépouillée maintenant. Je logeais dans sa coquille.
L'insecte étrange reposait dans sa boîte, au fond de ma poche. Il occupait dorénavant un espace dans mes pensées, au bout d'un fil, croisé par d'autres, noués enchevêtrés, tendus du passé au présent, et se fabriquant à mesure.
Que pouvais je en faire d'autre ?
J'étais dépassé.
Ce rythme n'était pas le mien je ne pouvais que suivre.
En lavant mes mains sous le robinet, l'image de la pièce d'eau vint à moi.
Sa pièce d'eau, son projet fou.
Dans le prolongement de la buanderie, elle avait aménagé la salle de bain du rez de chaussée.
Ils avaient cassé deux cloisons et posé une verrière.
Elle la voulait biscornue, et l'eut biscornue, privilège de l'âge. Désirer, oser, faire.
Ce lieu saturé d'humidité serait un jardin d'intérieur.
Je me souviens des sacs de terre vidés un à un, l'espace peu à peu surélevé communiquait avec l'extérieur, il suffisait de pousser deux vitres vers le haut.
Les plantes, peu après elle, expirèrent à leur tour.
J'avais récupéré les racines, branches et feuilles. Certaines s'effritaient déjà entre mes doigts.
Le faire revivre.
Je descendis à la buanderie, la grande marche, l'évier, les piles de journaux, la table inutile le porte manteau, et son miroir, la tablette pour les sacs sur laquelle était posée la boule à neige qui lui servait d'éphéméride.
Je la tournai par le socle, dévoilant la dernière date, le 14 aussi courbé que son dos.
Elle s'inversait dans le miroir comme pour repartir en arrière.
J'imaginai ses doigts tourner chaque matin les petites mollettes, des jours, chiffres et mois.
Ma hanche heurta la tablette et la neige se remis à tomber.
Alors je vis ces quelques feuilles minuscules et puissantes : le printemps renaissait.