Les instants parfaits
La terre exhalait une odeur de pluie épaisse comme un tapis.
Mon imperméable gouttait sur mes chaussures et je les ôtais pour continuer pieds nus. L’herbe commençait à sécher se redresser, ébouriffée. La lumière avait apposé sur le vallon des nuances de verts qui variaient au bon vouloir des nuages, le vert lichen dominait, se diluait dans la menthe et la malachite, alors que les arbres s’ ombraient de tons anglais et secouaient des piécettes dorées.
Le chemin se faisait escarpé, les arbres plus grands s’ouvraient en un cintrage multiple.
On dit que nous avons chacun un arbre à notre image, celui que j’aperçus au loin m’ invitait à le rejoindre de ses branches arrondies. Il était fin, droit et je devinais ses denses racines plongeant profondément vers le passé.
A son côté s’élevait un géant arc-bouté sur des petites pousses et une foule de violettes.
Les branches du géant étaient plus fournies à l’opposé du petit arbre qui profitait ainsi mieux du soleil. Pourtant il serait différent. Quel était ce besoin de laisser pousser l’autre ?
Etait il là pour lui assurer de vieux jours, charmer et attirer l’eau avec ses capillaires?
Des couleurs chaudes éparses rehaussaient le tapis mauve. Visiblement des semeurs étaient passés par ici. Ma vieille tante, peut être, elle parcourait les forêts et routes avec ses sacs de graines qu’elle jetait un peu n’importe où. Elle n’était plus sur -mais sous- cette terre depuis quelques années. Les oiseaux et le vent avaient pris sa suite. Et les graines de voyager ... En son honneur, je me tressais une couronne.
Puis le gros tronc m'offrit, le temps d'une halte, le creux de ses racines. Les souvenirs devenaient brume, et mes sens se décuplaient.
Continuer.
L’ascension était rude. Le point de vue devait être magnifique. Bientôt je ne pensai plus.
Au plus haut se dessinait un petit promontoire. Plus qu’une dizaine de mètres.
Les herbes l'avaient caché à ma vue. Apparurent ses cheveux, son cou, son dos. Assis, il regardait par delà les collines, peut-être au fond de lui-même.
Il tourna la tête vers moi et souleva un chapeau invisible pour me saluer.
Oh dear, il ressemblait tellement à Paul, mais c’était improbable. A son âge, combien d’heure de marche cela pouvait-il représenter? Garçon dans le vent mais quand même.
Je songeais redescendre, (ne pas le déranger) mais il me fit signe de m’asseoir.
Sa voix chantait déjà en moi, les refrains les uns après les autres, (on en avait soupé aussi de celle ci à la flûte à bec, ) .
« N’est ce pas splendide ? me dit il.
- ça l’est. Vous venez souvent ici ?
- Oui. J’aime beaucoup cet endroit”. Et en écho: “Love this place”.
J’aurais aimé lui dire tant de choses, mais le silence était plus précieux.
Ses chaussures de randonnée étaient pleines de terre et ses vêtements ordinaires.
Il se pencha, attrapa son sac à dos et le posa entre nous. Puis il en sortit un thermos et deux tasses.
“Tea time!.”
Un moment parfait.